BASSERODE
Sans titre, 2004 , Photographie sur aluminium
Sylvie-FAJFROWSKA
Sans titre, 2004 , Vinyle et cire sur toile , 300 x 300 cm
Majida-KHATTARI
La Robe puissance, 2002
Stéphane-LE-MERCIER
Monobloc 1, 2, 3, 4, 2003
Würrtembergischer Kunstverein, Stuttgart
Esther-SHALEV-GERZ
Daedal(us), 2003 , Photographie couleur , 120 x 80 cm
Propos d’Europe III
Cette exposition est la troisième d’une série nommée « Propos d’Europe » qui a pour but d’exposer, autour de thèmes variés, les oeuvres d’artistes vivant dans plusieurs pays du continent ou dont la création a été nourrie de leur culture. La première s’était penchée sur l’empreinte, le langage, la mémoire, en remontant aux sources grecques pour revenir à des sujets contemporains. La deuxième abordait le thème de la maison, cette maison commune rêvée par certains, fondée sur le partage des tombes du passé. C’est cette année le thème des territoires qui prévaut.
La notion de territoires apparaît d’emblée comme une notion plurielle. Au contraire de la Terre, qui exprime une unité physique, les territoires expriment l’idée de morcellement, mais aussi de mouvement.
Dans une première approche, un territoire peut se définir comme un espace délimité par des frontières. La toile du peintre est un point de départ idéal de réflexion : le premier trait de l’artiste apparaît naturellement comme une frontière délimitant deux espaces. Plus généralement, un jeu sur les formes produit un ensemble de territoires, familiers et intrigants, ainsi qu’il apparaît sur les tableaux de Sylvie Fajfrowska. Ces espaces sont composés et ressentis différemment par le spectateur qui peut accorder plus d’importance et de signification à une forme plus qu’à une autre.
De même, l’une des caractéristiques de l’Europe est que ses frontières sont l’objet de débats permanents. Ainsi, l’Union Européenne vient de saluer l’entrée de nouveaux membres et c’est entre autres dans cette perspective que cette exposition a le plaisir d’accueillir Esther Shalev–Gerz, qui est née à Vilnius. Plus généralement, on s’interroge sur le bien fondé de l’entrée de la Turquie dans l’Union, d’autres n’hésitant pas à évoquer la Russie ou encore le Maroc. Il ne s’agit pas ici de prendre position. On peut simplement remarquer que l’Europe est probablement le seul continent dont on interroge autant les frontières : son identité est toujours en construction.
L’art apporte un éclairage utile pour appréhender cette évolution. Le nomadisme, représenté ici par Basserode et Stéphane Le Mercier, interroge le lien entre l’identité d’un être, d’une chose et sa dynamique interne, son potentiel de changement. Le nomade se construit en avançant sur son chemin qui le conduit dans des espaces nouveaux. L’Europe est d’une certaine manière un continent nomade, dont l’identité actuelle est forte, mais dont le potentiel ne se révélera que par le chemin qu’elle empruntera. L’exploration du monde environnant et l’apport de nouveaux territoires contribuent à cette construction.
Enfin, les territoires évoquent également des aspects plus abstraits, dans les expressions « défendre son territoire » ou « ne pas empiéter sur le territoire du voisin ». Un territoire se définit ici comme un ensemble de personnes ou de valeurs relatives à un individu, un espace privé dont la frontière n’est pas visible, mais apparaît par opposition à un autre. Majida Khattari nous montre des voiles imprimés, transfigurant le voile qui cache en un voile qui montre, par exemple un attachement à la République. Le voile symbolise alors une frontière entre l’espace privé et l’espace public, qui n’est pas une barrière, mais une frontière dynamique et ouverte. Ces différentes approches de la notion de territoire évoquent des enjeux actuels de l’Union Européenne : ses frontières physiques s’élargissent et ses « territoires intérieurs », fondés sur des valeurs humanistes et son rayonnement politique, sont mouvants et appelés à évoluer.
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